La misère est une violation des
droits de l’homme » : ce n’est
pas une simple formule,
mais d’abord une réalité
vécue par ceux et celles qui doivent
faire face à la grande pauvreté.
C’est une évidence quand on
connaît les situations de ceux qui
n’ont pas de travail et de logement
dignes, d’accès à l’éducation et à
la culture, à la protection de la
santé…
Pourtant, cette évidence n’est pas
reconnue depuis longtemps, et elle
ne l’est pas encore par tous, en France
et dans le monde. Il faut rompre
définitivement avec une tradition
séculaire qui considérait trop souvent
que la pauvreté était une fatalité
sociale (« il y aura toujours des
pauvres ») ou parfois même culpabilisait
les pauvres en les rendant
responsables de leur condition
(« ils ne font rien pour s’en sortir »).
Cela implique un triple changement,
à la fois éthique, juridique,
civique.
Un changement éthique
Sur le plan éthique, le devoir d’assistance
aux malheureux est certes
aussi ancien que les grandes religions
et il a pu donner naissance
à des institutions charitables remarquables.
Mais cela relevait d’une
obligation purement morale à la
charge des plus favorisés qui voulaient
bien s’y soumettre.Ce n’était
pas un droit pour les personnes
pauvres.
C’est la Déclaration universelle des
droits de l’homme,adoptée en 1948,
qui a expressément lié dans son préambule
« la reconnaissance de la dignité
de tous les membres de la famille humaine
» à celle de « leurs droits égaux
et inaliénables », afin que tous les
êtres humains soient « libérés de la
terreur et de la misère ».
D’où, sur le plan juridique, l’énoncé
de droits « fondamentaux », aujourd’hui
reconnus. « Fondamentaux
» parce que fondés sur l’égale
dignité de tout être humain. Ils
sont dus à tous, non seulement dans
le domaine civil et politique, mais
aussi dans le domaine économique,
social et culturel. Ainsi l’article 25
de la Déclaration universelle des
droits de l’homme : « Toute personne
a droit à un niveau de vie suffisant
pour assurer sa santé, son bien-être et
ceux de sa famille… » En France, l’article
1er de la loi contre les exclusions
de 1998 énumère six droits
fondamentaux, dans les domaines
de l’emploi, du logement, de la protection
de la santé, de la justice, de
l’éducation, la formation et la culture,
et de la protection de la famille
et de l’enfance.
Un combat juridique et civique
Mais il y a loin des droits « déclarés
»,même dans un texte solennel,
aux droits effectivement appliqués.
Les faits sont là dans toute leur
cruauté.Plus d’un demi-siècle après
l’adoption de la Déclaration universelle
des droits de l’homme, la
grande pauvreté n’a nulle part disparu
et s’est même accrue dans certaines
régions du monde. Des programmes
de lutte pour réduire la
pauvreté ont certes été conçus mais,
outre l’insuffisance des moyens matériels
qui y sont affectés, ils continuent
pour l’essentiel à relever d’un
esprit d’assistance et de charité
d’État. C’est donc à juste titre et au
plein sens du mot, qu’on doit voir
dans la persistance de la misère une
violation des droits fondamentaux
de tout être humain, proclamés
mais non pleinement appliqués.
Dès lors, c’est sur le plan civique
que doit être menée,partout et pour
tous, la lutte pour assurer le respect
effectif des droits élémentaires outrageusement
violés, en combattant
l’indifférence et la résignation.Car
ce ne sont pas les textes qui font désormais
défaut, en France comme
sur le plan international, mais la
volonté de les promouvoir et d’en
garantir l’application. À chacun
d’en prendre conscience et de
prendre part, aux côtés des pauvres
eux-mêmes, à la longue lutte pour
la dignité de tous.